Avant toute chose, sachez que vous retrouverez toutes les photos des sites que nous avons visités via les liens inclus dans le texte.
AU COMMENCEMENT, UN PEU D’HISTOIRE
Les seuls écrits sur les Incas, qui
expliquent ce qu’ils étaient et ce qu’ils ont fait, proviennent des espagnols
lorsqu’ils les rencontrèrent au XVIème siècle, en particulier en novembre 1533
quand Francisco Pizarro et ses hommes, moins de 200 hommes, pénétrèrent au cœur
de l’Empire Inca, dans sa capitale, à Cuzco. Ce que les Incas ont pu laisser
sur eux-mêmes n’est pas encore traduisible et ainsi, nous n’avons que la
version des « conquérants ». Sont-ils effectivement à l’origine de la
chute de l’Empire Inca sachant que de l’intérieur, cet Empire était en train de
se détruire par l’opposition de deux frères pour le trône. Il paraitrait que
les espagnols ont bien sûr laissé faire, saisissant l’opportunité de conquérir
un Empire bien affaibli.
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Place des Armes de Cuzco, une capitale Inca à la mode coloniale aujourd'hui |
L’Empire Inca, contrairement aux
civilisations qui l’auront précédé, comme par exemple les Waris (de 500 à 1000
après JC) ou ceux de Tiwanaku (de -1500 à 1200 après JC), n’aurait duré qu’un
siècle, de 1438 à 1532. Un siècle au cours duquel le peuple Inca aurait étendu son
Empire des environs de Cuzco, quelques dizaines de kilomètres carrés, à un
Empire de plus de 4000 kilomètres de long, s’étendant de l’Équateur, jusqu’au
Chili et à l’Argentine. Nous avons appris à Huanuco Pampa, la première ruine
inca que nous avons visitée, située dans la Cordillère et sur le grand axe inca
qui reliait Quito à Cuzco, que pour asservir tant de personnes pour obtenir cet
immense territoire, l’Inca, le chef inca, « achetait » la loyauté de
ceux qui régnaient d’ores et déjà sur les territoires d’Amérique du Sud. De ce fait, l'Empire inca doit son expansion au fait qu'il a englobé d’autres civilisations et il a pris le bon dans chaque civilisation « englobée ». Pourrait-on
dire qu’ainsi ils s’appropriaient ce qui déjà était ?
ORIGINE DES INCAS
Il existe de nombreuses
versions sur l’origine des Incas, versions basées sur la langue transmise ou
sur certaines caractéristiques culturelles qui suggèrent qu’ils sont issus de
la migration des peuples directement situés sur les bords du Lac Titicaca. Par
exemple, « le Quechua cusqueño, qui fut la langue officielle des
Incas, contient 33,73% de racines linguistiques en lien avec le Puquina, la
langue éteinte de la civilisation de Tiwanaku” (Cf. Torero, 1972).
D’autres postulent que le développement de l’Empire Inca se serait fait
de manière autonome dans la vallée de Cuzco. Mais tout ceci est bien discuté
par les différents investigateurs. Ce qui est sûr dans l’histoire de l’origine
de l’Empire Inca, version pour laquelle les Incas se sont mis d’accord et
qu’ils contèrent ensuite, c’est qu’elle se trouve synthétisée dans ses mythes
et dans l’esprit de son œuvre. « L’utilisation
du terme populaire « mythe » suggère qu’il se réfère à des croyances
fausses, mais l’usage sémiotique du terme ne suggère pas nécessairement cela.
Les mythes culturels expriment, et servent pour organiser de manière partagée
pour conceptualiser quelque chose, ainsi sa connotation a une fonction
idéologique qui sert pour que les valeurs partagées, les attitudes et les
croyances paraissent « naturelles », « normales »,
« patentes », de « sentiment commun jusqu’à vérités »
(Cf. Fiske, 1982. Fiske & Hartley 1978. Chandler, 1988).
Finalement,
le mythe est devenu la vérité et c’est une divinité suprême qui est à l’origine
de cette civilisation. Mais les Incas n’ont même pas mémorisé son nom puisque
le nom Wiracocha n’est qu’une interprétation retrouvée dans les textes
espagnols. Avant lui, le monde était sombre et il créa le soleil, la lune et
les étoiles. Ensuite, Wiracocha créa les tribus des Andes, qui sortirent des
grottes, des sources au milieu de leur territoire respectif. Il leur attribua à
chacune un costume, une langue et des traditions.
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Sculpture représentant Wiracocha, personnage à 4 doigts, retrouvé sur la Porte du Soleil à Tiwanaku |
Selon
Thor Heyerdahl, explorateur norvégien, en 1978 (cf. Early man and the ocean),
le personnage mythique de Wiracocha existe dans une multitude de civilisations pré
européennes d'Amérique du Sud et Centrale. Selon les différentes légendes de
ces peuples, ce personnage aurait été de grande taille, de peau claire, avec
une longue barbe et une grande toge, d'un style similaire à un moine. Il aurait
suivi une route allant du Nord vers le Sud, civilisant suivant ces légendes les
différents peuples qui se trouvaient sur son passage et leur donnant des
valeurs et des techniques, les faisant passer du statut de sauvage à celui
d'homme civilisé.
Wiracocha
aurait fait émerger du lac Titicaca le premier inca, Manco Capac, lui aurait
fourni une baguette en or en lui disant de la suivre. Là où elle se planterait,
le premier inca n’aurait qu’à fonder la capitale Inca, ce qu’il aurait ainsi
fait mais nous n’avons aucune date…
L’ÈRE PACHACUTEC
C’est à partir de l’Inca Pachacutec (1410-1471), neuvième Inca, que
l’Empire se développe particulièrement à partir de cette ville nommée le
« nombril du monde ». Né Cusi
Yupanqui en
1410 à Cuzco, il devint Pachacutec en 1438, ce qui veut dire le « Transformateur ».
D’abord vainqueur sur les Chancas, peuple rival, l’Inca permet à la
civilisation une formidable et rapide expansion, ainsi que le développement de
la ville de Cuzco, capitale inca. C’est lui qui aurait permis de laisser
l’argile et la paille pour prendre la pierre comme matériel qui fut utilisée
pour cimenter et édifier des structures qui consolidèrent son image et son
pouvoir.
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La cité d'Ollantaytambo fait grande impression quand nous arrivons à son pied |
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Le mur de Sacsayhuaman, sur les hauteurs de Cuzco, aurait fait une dizaine de mètres de haut à son origine |
Pendant 20 ans, plus de 50 000 hommes auraient travaillé de pied ferme à
édifier aqueducs, lieux de stockage, temples, palais et tout ce que nécessitait
la cité qui, petit à petit, aurait pris la forme de son totem, un puma. Du cœur
de cette cité, jusqu’aux 4 parties du monde inca, des armées prirent les
chemins de la guerre, prirent les terres hautes et de nombreux territoires,
établirent des lieux de repos et d’approvisionnement nommés tambos.
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Édifices où auraient été conservés les denrées récoltées |
Là, ils disposaient de sel, de pommes de terre, de quinoa et de lamas
avec lesquels ils descendirent aux limites de la jungle, pour revenir chargés de coca, d’or, d’aliments et de plumes multicolores.
Au temps de l’apogée de l’Empire, les incas entretenaient un réseau de plus de
23 000 kilomètres, des territoires montagneux au désertique littoral. Maïs, haricots, piments, coton, cacahuètes,
poissons secs, fruits de mer revenaient par ce même réseau jusqu’à la cité
sacrée comme tribus. Des 4 coins de l’Empire vinrent s’installer des
gouverneurs et la fine fleur des provinces conquises, mais aussi des orfèvres,
des potiers, des tisserands et des maîtres d’œuvres.
En arrivant à Cuzco, les espagnols furent remplis de stupeur. Autour de Cuzco, près de 100 000 maisons étaient érigées. Près de 100
ethnies y vivaient et plus de 20 langues étaient parlées, bien que le quechua soit
devenue la langue de l’Empire Inca. Tous coexistaient dans la ville légitimée
en son temps comme centre du monde. Elle était un véritable centre nerveux
d’une vaste organisation en communication avec ses territoires extrêmes, à
travers des chemins et des hommes, les chaskis,
qui courraient transmettre des messages en cordes à nœuds, les quipus. Des codes avec lesquels ceux-ci se
lisaient, on ne sait que peu de choses, voire presque rien. Ce qui est sûr,
c’est que lorsque les spécialistes en déchiffrage de ces mystérieuses anales,
les quipucamayocs, furent consultés au
sujet des origines de la ville, ils répondirent en s’appuyant sur la littérature
orale racontée à la manière d’histoire sacrée, dans laquelle les faits se
dissolvent dans l’atmosphère magique de ses mythes…
QUAND ON ARRIVE A CUZCO
Lorsque nous sommes arrivés à Cuzco, en novembre
2017, nous fûmes nous aussi remplis de stupeur en découvrant la ville, mais en
particulier le mur de Sacsayhuaman considéré comme la forteresse de Cuzco. Selon
la plume de Martin de Murúa, religieux mercenaire espagnol, en 1590, face au
spectacle architectural : “(Sacsayhuaman)
paraît être une œuvre de géant, ou une muraille plus de la nature que de l’art”.
Mais c’est Garsilaso, poète et militaire, fils de conquistador et d’une inca,
en 1609, qui définit la fonction politique de ce type d’architecture : “la plus importante œuvre que firent faire
les Incas pour montrer leur pouvoir et leur majesté, fut la forteresse de Cuzco
dont la grandeur est incroyable pour celui qui ne l’a pas vue, et pour celui
qui l’a vue et regardée avec attention, cela lui fait imaginer et croire
qu’elle est le fruit d’un enchantement ou qu’elle fut faite par des esprits
supérieurs et non des hommes…”
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Un mur parfaitement construit où une feuille de papier ne trouve pas sa place entre les pierres |
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Dans les rues de Cuzco, la fameuse pierre aux douze angles parfaitement emboités |
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Alors que la pierre d'angle tient toujours, où sont passés celles qui sont "tombées" ? |
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Au mur de Sacsayhuaman, un trou de drainage situé à 1 mètre de hauteur... Avaient-ils les pieds dans l'eau à cet endroit-là ? |
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Et ici, au ras du sol... Ne serait-ce pas plutôt un système de retenue d'eau, tel un barrage ? Le mur n'est pas idéalement situé pour constituer un réel mur de défense selon nous, au-dessus de Cuzco, de l'autre côté de l'entrée de la vallée... |
De voir ce mur, nous savons bien qu’il n’a pas
été construit par enchantement mais nous nous sommes vraiment posés la question
suivante : est-ce bien les incas, qui en seulement quelques dizaines d’années, auraient
construit ce mur ? Et qu’ont-ils utilisé pour tailler des pierres avec une
telle précision ? Il est communément dit que les pierres auraient été taillées à l'aide de
marteaux de bronze et de pierres avec un haut degré de dureté (bien moindre
toutefois que le granite et l’andésite utilisées dans les constructions incas).
Nous avons entendu parler d’outils en quartzite et en hématite et nous avons
fait quelques recherches. Il existe une seule mine d'hématite dans le Sud du
Pérou qui daterait de plus de 2000 ans. Mais, l’hématite était utilisée seulement
comme pigment, avec un usage de décoration de céramiques ou de textiles…
Du coup, nous n’avons toujours pas la réponse et pour nous, ces découpes
n’ont pas pu être faites avec un simple marteau de pierre…
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Marteaux de pierre qui auraient servi à la construction des murs incas, ainsi qu'une "maquette"... |
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A Ollantaytambo, croyez-vous vraiment que ceci a été découpé avec un marteau de pierre ou de bronze ? |
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Dans le doute, nous allons regarder de plus près... |
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Type de découpes déjà observées sur les différents sites, mais dans des roches homogènes |
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Cette découpe est faite dans une roche type sédimentaire hétérogène donc avec risque d'éclat à la découpe... Ici, il n'y en a pas |
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Et le résultat est parfaitement lisse, sur toute la surface |
L’agencement parfait serait expliqué par l’utilisation de patrons
d’argile qui aurait permis de tailler les blocs pour qu’ils s’associent à la
perfection avec les autres. Mais encore une fois, aucun bloc d’argile n’a été
retrouvé permettant de prouver cette théorie…
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Blague entre maçons, casse-tête "inca" ou pas ? |
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Blague entre maçons 2 |
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Près de Sacsayhuaman, cela nous fait penser à une carrière au premier abord. Quand il n'y a pas d'explications, tout le monde a conclu que c'était sacré ! |
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Si la pierre était dans l'autre sens, comme si c'était des gradins, ils auraient conclu que c'était taillé pour s'assoir et prendre le soleil... |
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Des découpes qui nous posent question |
De plus,
dans ce mur, il existe des pierres de plusieurs centaines de tonnes… Comment
déplacer ces pierres et en particulier celle qui fait 350 tonnes ? Des
études ont été faites pour savoir combien de personnes étaient nécessaires pour
bouger un bloc d'une tonne, au sol, à savoir 15 personnes (cf. expériences
faites sur l'île de Pâques puis reproduite sur le site inca d’Ollantaytambo). Mais
si nous transposons ces résultats à l’énorme pierre de Sacsayhuaman, cela
veut-il dire qu’il aurait fallu au moins 350x15 hommes soit 5250 hommes pour
déplacer cette pierre ?... Sacrée organisation à prévoir pour qu’ils ne se
marchent pas dessus… Quelles étaient les cordes utilisées ? Et encore une
fois, comment disposer une pierre aussi parfaitement lorsqu’il s’agit de la
bouger à 5250 personnes au moins en même temps…
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Un petit 350 tonnes, rien que ça ! |
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Dans la cité de Tiwanaku, bien avant les incas, une dalle de 450 tonnes "déposée" sur un pavement |
Bon, la
théorie que nous avons reçue à Tiwanaku, en Bolivie, pour bouger une pierre de
450 tonnes, ne nous convient pas tellement non plus, à savoir que dans cette civilisation
antérieure aux incas, ils utilisaient un 6ème sens et la
lévitation ! Par contre, ils abordent la notion de géopolymères quant à la
structure des pierres ! Intéressant !
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Vous avez déjà une pierre éclater ainsi ? |
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Moulage ou découpe parfaite ? |
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Joli surfaçage |
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Peu importe le matériau, ici c'est du granite rose, la finition est identique
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En ce qui
concerne l’architecture des murs incas, il faut savoir que des murs semblables
ont été retrouvés sur d’autres continents. En Grèce par exemple, ils ont été
datés à plusieurs milliers d’années, bien avant qu’apparaisse la civilisation
inca en Amérique du Sud, il y a 500 ans environ. Sachant que les archéologues
datent un site en fonction des éléments retrouvés sur les sites (céramiques,
outils, ossements…), ils ne peuvent en aucun cas réellement dater un mur car la
pierre ne peut être datée. De ce fait, ne serait-il pas possible que les incas
aient érigé leur empire sur des constructions qui étaient déjà existantes et
qui, du coup, datent de bien avant leur ère ? C’est ce qui pourrait
expliquer les qualités très différentes de construction dans un même site selon
nous… Pourquoi certains murs sont d’une incroyable précision et finition et que
nous retrouvons accolés des murs grossiers.
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Des murs commencés avec un style puis bâclés sur les bords ? D'ailleurs quels animaux voyez-vous ? Il paraitrait que ce serait des pumas... |
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Différentes terrasses avec un niveau de construction et de finition différent à Ollantaytambo |
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A Tambomachay, 3 niveaux, 4 types de murs. Mélange de styles ? |
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Lieu nommé "Rumicolca", c'est à dire "dépôt de pierres" en quechua |
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Dépôt de pierres ou barricade à l'entrée de la vallée de Cuzco ? |
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Construction inca sous un un mur pré-inca ? C'est le monde à l'envers à Pisaq ! |
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Que vient faire cette "verrue" construite postérieurement au milieu d'édifices aux pierres taillées parfaitement ? |
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Forteresse inca de Puka Pukara. Ils manquaient de moyens ??? |
L’état
dans lequel a été retrouvé les sites est, la majorité du temps, expliqué comme
étant la conséquence de la destruction par les espagnols de ces trésors
d’architecture inca. Toutefois, si nous prenons le mur de Sacsayhuaman de
nouveau, il n’a pas bougé lors du tremblement de terre de 1950 qui détruisit
tout ce qui n’était pas « inca » à Cuzco. Comment les espagnols
auraient pu donc faire tomber ce mastodonte ? Quand quelqu’un veut
vraiment détruire quelque chose, il détruit ce qui est le plus emblématique,
non ? Comme la partie la plus imposante d’un édifice ou la sculpture la
plus fine…
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Porte du soleil à Tiwanaku, en parfait état
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Rien de plus symbolique que le trône de l'Inca, à Sacsayhuaman, en parfait état aussi... |
Il nous
semble que lorsqu’une civilisation est très avancée dans un domaine, comme
l’étaient les incas en architecture, elle l’est dans de nombreux domaines. Pensez
aux grecs ou aux égyptiens par exemple, quelques milliers d’années en arrière.
Alors qu’ils ont laissé des trésors d’architecture eux-aussi, ils étaient tout
aussi bien avancés dans de très nombreux domaines : médecine,
urbanisation, développement de la pensée, astronomie, écriture, mathématiques …
Et là, nous découvrons dans un musée que les incas faisaient des trépanations crâniennes
pour soigner de nombreux maux, ce qui était déjà fait 1000 ans en arrière dans
la civilisation des Paracas… Cela veut-il dire qu’en 1000 ans, cette super
civilisation qui se démarque par son architecture super développée et une
agriculture en pleine recherche génique, n’aurait pas fait évoluer le domaine
de la médecine en 1000 ans ? Et que penser des déformations crâniennes
déjà retrouvées des milliers d’années en arrière chez les égyptiens, ou dans
les civilisations antérieures aux incas ?
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Déformations crâniennes |
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Trépanations crâniennes |